En fonction de la maturité d’une marque — c’est à dire s’il s’agit d’une marque naissante, d’une marque installée ou d’une marque en crise — des concepts de logos très différents vont voir le jour. Voici l’histoire de 3 générations de logos !

 

Avant de s’interroger sur les impératifs spécifiques d’une marque lui permettant de se distinguer des autres, il faut se demander à quel moment charnière de la marque nous sommes. C’est la première considération qui doit guider la marque dans la stratégie qu’elle va définir dans son cahier des charges ; cahier des charges qui permettra de créer la signature graphique appropriée. J’insiste sur l’idée de signature pour un logo. En effet, en aucun cas, un logo ne peut se substituer à une campagne de communication pour exprimer pleinement l’esprit d’une entité ou d’une marque.

S’agit-il d’un premier logo, de l’évolution d’un logo existant ou d’un nouveau logo ?

 

I. Un premier logo pour une marque naissante

Quelle stratégie de lancement ?

Le premier logo va signer l’identité d’une entité, selon l’histoire de sa naissance, son secteur, sa cible et la culture dans laquelle elle voit le jour aussi, etc. Tenant compte des multiples facteurs qui constituent sa raison d’être, elle devra répondre à la question :

  1. A-t-elle l’ambition de se démarquer nettement ?
  2. A-t-elle besoin de s’inscrire dans une mouvance porteuse ?
  3. Cherche-t-elle à s’associer à une marque déjà reconnue ?
  4. A-t-elle simplement besoin de créer une base fédératrice pour des besoins internes de cohérence, sans volonté de communiquer à l’extérieur ?

 

1. L’ambition de se démarquer nettement

Pour se lancer, une marque peut avoir besoin de faire valoir sa différence. Il faut alors définir pourquoi il est nécessaire qu’elle se démarque : propose-t-elle un nouveau produit qui n’a aucun référentiel, souhaite-t-elle se positionner en rupture d’un marché ultra-codifié (il faut alors déterminer quels codes ne surtout pas suivre), cherche-t-elle à faire valoir son excellence, sa fantaisie, son innovation, etc. ?

 

disruptive logos

MTV — première chaîne musicale ­­— à l’identité visuelle liquide conçu en 1981 par Manahattan une agence de novices. Red — la marque lowcost de SFR de téléphonie 100% en ligne — au logo vert fait un contresens total avec son nom. Desigual — la marque de prêt-à-porter décalé — invente le premier logo entièrement inversé et promet un nouveau regard.

 

 

2. Au contraire, le besoin de s’inscrire dans une mouvance porteuse

Pour des raisons stratégiques, une marque peut s’inscrire dans une mouvance porteuse et donc être incarnée par des codes identifiés reconnus par sa cible : ses prix ultra-compétitifs, son caractère durable, son secteur d’activité, son origine géographique ou culturelle, etc.

 

3. Associer son image à celle d’une marque déjà reconnue

Une nouvelle entité peut vouloir s’inscrire comme dérivée d’une autre entité (dans le cas d’une sous-marque) ou dans une série de marques (pour le nom d’un produit au sein d’une gamme).

Une marque peut aussi avoir envie de mimer une marque bien connue pour capter son audience (une contrefaçon plus ou moins assumée).

logos_iniformisation

Il ne s’agit pas ici de premiers logos, mais je voulais absolument placer cette évolution du secteur du luxe où de nombreuses marques ont emboité le pas à Saint-Laurent, le petit doigt sur la couture, dans un suivisme proche de la “contrefaçon d’identité”. Une uniformisation assez inquiétante dans un secteur où créativité et singularité sont des principes fondateurs.

 

4. Pour le simple besoin de créer une base fédératrice

Pour des considérations internes de cohérence des supports et d’identification à un projet déterminé, même sans réel besoin de communiquer à l’extérieur, une entité peut définir une identité visuelle soignée, constituée d’un logo simple et d’une charte graphique. Pour les puristes et les amoureux des projets bien ficelés.

 

II. L’évolution d’un logo existant

Quelle stratégie de développement ?

Dans le cas de figure d’un logo qui doit évoluer, il faut aussi se demander pourquoi :

  1. Simple rafraîchissement ?
  2. Se mettre à l’air du temps en suivant les évolutions du design graphique ?
  3. Corriger les erreurs de diagnostic graphique ou accompagner un sensible changement de stratégie de la part de la marque ?
  4. Changer de direction artistique en revoyant sa copie tout en conservant des acquis de notoriété visuelle ?

 

1. Simple rafraîchissement

Certains logos sont intemporels et frôlent la perfection. Ils sont des cas d’école, souvent des icônes, et pourtant à y regarder de plus près, ils ont subi de légères retouches pour rester au top. Certains jouissent parfois d’une telle notoriété que leur nom peut disparaitre pour ne conserver que leur symbole ; la simple évocation de leur nom permettant à lui seul de visualiser leur sigle qui a imprimé l’inconscient collectif : Chanel, Louis-Vuitton, Vogue, Perrier, Évian, LU, Coca-cola, McDonald’s, Carrefour, Shell, Lego, Puma, Nike, WWF, Ford, Rolls Royce et nombre d’autres marques automobiles d’aileurs, etc.

logos_culte

Des icônes qui parlent à tous et qui n’ont quasiment pas bougées : les C, qui représentent la France, du luxe à la grande distribution ; les animaux de la protection de la vie sauvage ou de l’industrie pétrolière ; la courbe élancée de la culture de la forme et les rondeurs de la malbouffe. Vous remarquerez que le noir a choisi son camp (ceci est un teaser pour un prochain article de blog).

 

2. Se mettre à l’air du temps en suivant les évolutions du design graphique

Précurseur dans ce domaine, Apple lance souvent le mouvement grâce à ses designers visionnaires : la pomme varie selon les modes avec une sensible avance sur l’époque. Visionnaire ou précurseur d’ailleurs ?

Les marques automobiles se suivent en cœur à ce petit jeu-là. L’évolution des logos des entreprises du numérique et de leurs sous-produits est aussi très révélatrice : en mode skeuomorphisme avec du volume et des chromes ; ils passent au ‘flat design’ ; pas encore rangés au noir et blanc brut comme dans le luxe ou l’automobile ! Quel style va suivre ?

logos_modernisation

La pomme d’Apple ne semble pas bouger alors qu’elle évolue avec les modes graphiques. La typographie de Coca-Cola ne change pas et pourtant le logo se pare régulièrement de nouveaux artifices et démontre qu’une typographie datée peut suivre l’air du temps quand elle est bien entourée. Dans le cas de Audi, on peut voir qu’une forme simple reste reconnaissable malgré les changements de textures et donne l’impression que le logo ne change pas. Firefox a pris le parti de se moderniser tous les 3 ans en épurant son trait tout en exaltant des couleurs de plus en plus vives donnant un concept de plus en plus explicite.

 

 

3. Corriger les erreurs de diagnostic ou changer de stratégie

Un logo peut avoir été mal pensé et donc nécessiter une retouche : des caractères peu lisibles ou des couleurs dont le contraste ne fonctionne pas forcement comme voulu, un style graphique qui ne s’adapte pas à tous les supports ou qui rencontre des difficultés en fonction de sa taille (une belle signature manuscrite peut se transformer en gribouillis pixelisé par exemple). Il faut absolument penser à la tenue du logo : qu’il puisse s’adapter à tous les supports (de la brochure à l’écran de smartphone en passant par la gravure sur verre ou l’enseigne en volume). Il peut aussi s’agir d’améliorer un concept ou de corriger des proportions en pensant notamment aux vignettes des réseaux sociaux ou à l’en-tête d’un site web, etc.

logos_ajustement

Le PSG pense à son destin international en s’identifiant plus clairement à Paris. Deliveroo opte pour une identité beaucoup plus singulière. YouTube et Spotify retranscrivent plus clairement leurs cœurs de métier et se dotent de sigles tout trouvés pour leurs applications et leurs vignettes de réseaux sociaux.

 

4. Changer de direction artistique tout en conservant des acquis de notoriété visuelle

C’est le cas du rattrapage : un gros changement qui marque un tournant majeur de stratégie au sein d’une entité qui souhaite cependant conserver les attributs visuels qui permettent de la reconnaitre et/ou qui font sa notoriété comme une couleur emblématique, un style, une casse de caractères ou un symbole phare et particulièrement explicite. On est là dans le domaine du relooking de l’extrême. C’est la signature d’une maturité ou celle du dernier espoir ?!

logos_evolution

BP quitte son blason pour se muer en tournesol et garde ses couleurs caractéristiques qui tombent à point nommé pour son verdissement. Total quitte ses atours massifs pour turbiner dans un monde en mouvement. Le Crédit Lyonnais change pour changer en cherchant à se déringardiser sans argumenter plus que ça. Le CNRS se recentre au cœur de sa cellule !

 

 

III. Un nouveau logo pour un nouveau départ

Une stratégie de crise ou une révolution !

Il y a parfois des séismes dans la vie d’un projet qui poussent à tout changer pour ne pas disparaître. Une évolution sociétale majeure, un accident économique, un scandale dont on ne sort pas indemne, etc. amènent certaines entités ou marques à se faire tout petites, se travestir, opérer une mue complète.

Et il y a aussi des sociétés qui décident de faire leur révolution, souvent à la faveur d’une nouvelle direction qui prend le taureau par les cornes, ou d’une fusion. On ne dépoussière plus, on repart d’une page blanche : une nouvelle image pour un nouveau projet !

logos_metamorphose

On passe des carrés aux ronds, du figuratif à l’abstrait, on modifie les couleurs, les polices de caractères et les casses : tout doit changer !

 

 

Ça fait beaucoup de questions !

Et oui, le diagnostic précédant le processus de création d’un logo est essentiellement constitué de questions auxquelles chaque designer trouve ses propres réponses en élaborant sa création !

 

Je vous présente ci-dessous mes propres réponses aux clients de l’agence Vhox entre 2012 et 2017.

Logos par Thierry Houillon

Le nom Nanoplas se lisait mal dans le logo qui semblait désuet. Alors en 2012, nous avons uni le nom dans un même dégradé évoquant l’état plasmatique et ajouté un effet de mouvement dans le ‘O’ pour traduire le process de contrôle par plasma opéré par Nanoplas. Nous avons conservé leur couleur emblématique et le style typographique (sans empattement, carré, bas de casse). En 2017, quand McPhy Energy devenait McPhy, l’entreprise a voulu affirmer davantage son statut industriel et la robustesse de ses produits. Jouissant d’une bonne notoriété depuis son entrée en bourse, nous avons conservé les attributs reconnaissables de la marque : l’angle emblématique de la typographie en bas de casse ainsi que la couleur bleue. Quand l’hôtel Masq a pris son indépendance en 2017, nous avons élaboré un tournant radical en simplifiant le logo et en misant sur la couleur corail plus élégante. La localisation et les étoiles de l’hôtel ont été mises à l’honneur ; les étoiles rappelant l’hôtellerie à elles seules.

 

 

Thierry HOUILLON

Auteur Thierry HOUILLON

Directeur artistique

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