Si de coutume les designers les plus orthodoxes cherchent le Graal à travers la conception de logos singuliers et intemporels, la quête actuelle à capter l’attention du chaland invite les créateurs à explorer les infinies possibilités des «logo systems». Il est cependant nécessaire d’en comprendre les enjeux avant de s’égarer.
Stratégique dans un monde saturé de signes et d’informations, un logotype ne se conçoit pas avec légèreté. Il s’envisage avant tout comme une signature singulière qui permet de reconnaitre et d’incarner une marque. C’est pourquoi il est traditionnellement élaboré comme un élément unique, dont les règles d’utilisation sont consciencieusement définies dans une charte à l’attention de tous : des simples utilisateurs, aux designers, en passant par ceux qui contrôlent le travail des designers. En effet, l’intégrité du logo et la cohérence de l’identité visuelle sur tous les supports visent la reconnaissance de la marque d’un coup d’œil.
Vous pouvez retrouver les notions de base qui détermine univers graphique et identité visuelle dans notre tout premier article de blog.
Cependant notre époque cultive une appétence pour la nouveauté et le buzz. Tous cherchent à capter notre attention déjà tant sollicitée. C’est ainsi qu’on observe un courant de plus en plus prégnant en faveur d’une évolution du logo comme support de communication lui-même. Le but est de susciter la curiosité, de transmettre un message rapide et de fidéliser les aficionados.
Ainsi, la vidéo et le web permettent aux logos de bouger, scintiller ou se transformer. Ces « motion logos » interpellent : sous forme d’habillage graphique dans des émissions télévisées, ou mis en scène à l’occasion de coupures publicitaires ou de génériques de films, par exemple. Sur internet, les logos animés deviennent interactifs au défilement d’une page ou lors du déplacement du curseur sur le logo, entre autres possibilités.
D’autre part, des systèmes de création de logos permettent de concevoir des variations immobiles, cette fois-ci. Ces sont les possibilités et les enjeux de ces « logo systems » que je développerai plus en détail. En effet, la volonté de définir un système génératif ou de rendre pluriel un logo découle de besoins très différents. De plus, ce type de logos engendre des contraintes intrinsèques à prendre sérieusement en considération. Ainsi, différentes possibilités permettent de créer des systèmes de logo en fonction d’enjeux sciemment déterminés. Deux grandes familles de systèmes s’opposent : les modèles à suivre et les modèles libres à faire vivre.
Les principales familles de systèmes de création de logotype
1. Un modèle à suivre :
La première famille développe une démarche d’uniformité donnant une impression de rigueur et de cohérence. Dans cette famille une charte graphique décline un système de production de logos associés :
- On peut créer un système de génération de logos de sous-produits ayant pour but d’établir une filiation avec une marque mère. Cela peut se concrétiser par une formule à générer des logos — logo génératif —
ou simplement un système de création de logos issus d’une charte graphique.
- Il existe aussi des systèmes pour générer des sous-logos — d’entités ou de filiales d’une même organisation — qui développent des règles de mimétisme qui permettent de les associer à un ensemble commun.
- Et il y a également la possibilité de proposer un catalogue de versions de logos adaptées à différents formats de supports potentiels : une version compacte pour un drapeau ou une projection, une version horizontale pour un en-tête de page ou un header web, un symbole seul pour personnaliser des objets ou comme avatar de réseau social, etc.
2. Un modèle libre, à faire vivre :
Parfois, dans un objectif inverse, il est davantage question de plasticité, traduisant des notions de créativité et d’agilité. Il est alors tout à fait pertinent de proposer un système d’identité visuelle — défini comme « liquid brand identity » par Paula SCHER (Pentagramme) — mettant en scène des variations de logos tous différents mais tous identifiables comme signature d’une même marque :
- Des logos polymorphes proposent un catalogue défini de compositions analogues. Cette démarche vise à exprimer une vision non-conformiste. Elle peut même s’envisager comme ludique. Il s’agit essentiellement de recomposer le logo différemment par un jeu d’assemblage ou d’orientation.
- Certains designers conçoivent des formules génératives de logos pour une même entité. Ainsi des algorithmes produisent des versions uniques en fonction de variables déterminées.
- Une famille de logos conteneurs permet, quant à elle, des variations à l’intérieur de la forme du logo. Cela peut aboutir à un catalogue de variations définies ou à une totale liberté à l’intérieur de la forme contenante.
- Il y a également des logos dynamiques qui autorisent la création de déclinaisons infinies et singulières tout en restant reconnaissables comme incarnation d’un organisme unique. Ici il n’y a plus de forme contenante à proprement parlé. Le modèle souche est carrément réinterprété à volonté par des artistes invités par exemple.
Ces techniques sont également utilisées sur des logos traditionnels à l’occasion d’événements particuliers : sensibilisation à une cause (contre l’homophobie, le cancer du sein ou le sida), des fêtes populaires (Noël, Halloween, fête nationale), etc.
Les atouts :
Les systèmes de création de logo montrent et démontrent des valeurs d’habileté : un esprit visionnaire, perspicace, ingénieux et créatif. Les identités liquides, en particulier, révèlent une appétence pour la nouveauté et une agilité à évoluer ! La conception de tels systèmes marque une grande ouverture d’esprit et une capacité à prendre des risques. Elle permet de se positionner comme précurseur et challenger. C’est aussi l’occasion de développer une relation particulière avec des fidèles à l’affut du moindre discours évangélique ou de la moindre nouveauté de la part de leur marque préférée.
Les contraintes :
La principale contrainte réside dans la pertinence même du projet : du choix de la filiation ou de la pluralité. Et bien sûr, cette aventure (car c’est bien une aventure) ne peut se tenter qu’avec un fort engagement dans la communication de la part du commanditaire. En effet, une telle entreprise demande réactivité et dextérité sur de multiples supports. Il faut également bien maîtriser l’art de la communication pour que le concept soit bien compris et suivi. Si ce type d’engagement est généralement suivi par une cible complice, celle-ci peut devenir exigeante quant à la pertinence et la récurrence. Chaque occurrence est alors un vrai risque : ne jamais décevoir un fan !
Autre contrainte : le temps. Pour créer ce système, il faut préalablement étudier l’environnement de la marque. Il faut ensuite consacrer du temps à la création de chaque modèle puis il faudra attendre la validation des propositions retenues par le commanditaire. Sans oublier qu’il faut, théoriquement, penser à étudier, a posteriori, l’impact des modèles sur les objectifs.
Pour les mêmes raisons, le coût a son importance selon l’adage « time is money ».
La faisabilité technique n’est pas la moindre des contraintes. En effet, chaque nouvelle version doit être réalisée par un professionnel ou une personne habilitée à réaliser techniquement une nouvelle version et la faire valider.
Pour conclure
Chaque type de logos correspond à des enjeux qu’il faut bien prendre en compte en se demandant pourquoi créer une identité visuelle systémique et comment la faire vivre.
Quoi qu’il en soit, il me semble judicieux de définir un logo standard pour des usages basiques et de déterminer dans quels cas l’utiliser ; au sein d’un périmètre «Branding», par exemple. Et à côté, déterminer le champ des projets dans lequel on peut jouer avec le logo ; défini par un périmètre « Communication », par exemple.
Le champ des possibles est à délimiter en fonction des enjeux et des moyens. On imagine bien qu’une chaine de télévision — dont la communication est le cœur de métier — a les moyens humains réactifs et créatifs, que n’a pas forcément une banque d’affaire qui n’est pas équipée pour ce genre de nouveau pari.
Un nouveau pari pour l’agence
Nouveau Pari crée presque systématiquement trois versions des logos que l’agence réalise. Pour des questions d’optimisation de lisibilité sur tous types de formats, nous proposons une version horizontale, une version compacte ainsi qu’un symbole.
Pour l’association culturelle Opus 58, nous avons imaginé un nouveau pari : celui de l’infinie créativité (ou presque). Le logo peut contenir n’importe quelle couleur ou visuel. Nous avons défini une cohérence graphique en systématisant l’utilisation d’une texture de bruit (ou de grain de photo) qui doit apparaitre dans le logo ou dans l’ombre du logo, ou, à défaut dans la composition de la parution dans laquelle apparait le logo. L’identité visuelle fait aussi la part belle aux éléments géométriques de base composant le logo : rond, carré, triangle rectangle isocèle.
Sources :
Dynamic identities
https://pdtv.medium.com/dynamic-identities-85abb28fef2c
Logo Systems: Here’s Why Static Logos Are Dead!
https://www.designmantic.com/blog/logo-systems-static-logos-are-dead/
Logos Are Overrated: The Future of Brand Identity
https://www.ignytebrands.com/future-of-brand-identity/
What is a logo system, and do you need one?
https://pixelsink.com/logo-system/
Portfolios :
MIT Media Lab
https://www.pentagram.com/work/mit-media-lab
Identité visuelle de France Télévisions
https://www.movement.paris/works/france-tv/
Autre Ambiance, travailler dans un lieu d’exception
https://www.behance.net/gallery/82720359/Autre-Ambiance-travailler-dans-un-lieu-dexception
Identité visuelle de Angel Cube
https://www.behance.net/gallery/18476273/Angel-Cube
La Remolacha HackLab
https://www.domestika.org/fr/projects/666161-la-remolacha-hacklab
Logo City of Melbourne par Landor
https://landor.com/rebranding-the-city-of-melbourne